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Entretien privilégié avec Talal Selhami et Karim Saidi
- Nom : Mr Selhami et Mr Saidi
- Prénom : Talal et Karim
- Métier : Realisateur et acteur
Talal Selhami est le réalisateur de "Mirages" et Karim Saidi l'un des acteurs.
Le film est en compétition pour ce 10ème festival international du film de Marrakech, rencontre privilégiée ce mercredi 8 décembre.
Leslie :
Français d’origine marocaine tous les deux, vous arrivez à revenir souvent au Maroc ?
Talal et Karim :
Talal : Oui très souvent, je viens au moins deux fois par an au Maroc, mes parents sont ici, j’y ai vécu 10 ans et c’est important de revenir un peu à la source.
Karim : Moi je viens une fois tous les deux mois ! (rire) J’ai un appartement à Casa et j’ai pas mal de travail ici donc je réponds aux projets en venant souvent.
Leslie :
Qu’est-ce qui vous manque le plus du Maroc lorsque vous êtes en France?
Talal et Karim :
Talal : Les valeurs et clairement professionnellement, je n’aurais jamais pu faire mon premier film à 28 ans en France; ma famille ne vient pas du milieu du cinéma. Quand tu es personne et surtout quand tu es jeune, au départ on te regarde de travers en ce demandant « mais t’es qui toi ? ». On a des difficultés à faire confiance aux jeunes et ici à contrario, les choses sont possibles et j’ai pu faire un film.
Karim : Au Maroc les choses sont accessibles, tout est en train de se faire et reste à faire, on te laisse plus facilement une chance et surtout on peut atteindre les gens pour leur parler. à?a ! à?a manque, pourtant je suis français, j’ai grandi en venant une fois par an l’été, je ne pensais vraiment pas que finalement c’est ici que les choses se feraient. Mais c’est encore plus stimulant de pouvoir participer au développement du cinéma marocain.
Leslie :
Y a-t-il un film de votre enfance qui vous suit encore et qui a révélé votre passion pour le cinéma ?
Talal et Karim :
Talal : Indéniablement Stanley Kubrick parce que tous ses films sont incroyablement hypnotiques, il arrive à te faire rentrer dedans et à t’intéresser tout de suite à des sujets qui te parles pas forcement. J’ai vu « Barry Lyndon » très jeunes et un film de costumes à la base, à cet à�ge ça ne parle pas forcement, et pourtant très rapidement en 10min, tu es dedans et tu ne là�ches pas jusqu'à la fin.
Sinon il y a beaucoup de réalisateurs que j’admire comme Paul Verhoeven, Joe Dante et Spielberg qui est peut être aujourd’hui le réalisateur en pratique, le plus impressionnant et le Monsieur à cà�té de moi à eu la chance de tourner avec dans Munich!
Leslie :
Karim, cela doit être impressionnant de se retrouver sur un plateau de Spielberg ?
Talal et Karim :
Karim : C’est dur ! (rire) Au bout de quatre jours, je suis devenu le chouchou sur les sept terroristes du film! (Rire)
Leslie :
Et donc vous Karim, en dehors du grand réalisateur que l’on vient de citer, vous avez un ou plusieurs films qui vous ont marqué particulièrement ?
Talal et Karim :
Karim: J’ai adoré les films de gangster, les affranchis, Le parrain, je suis fan de Francis Ford Coppola, Scarface également et « Voyage au bout de l’enfer » avec Robert De Niro. J’étais moins adepte du Spielberg de notre enfance mais il a amené ce cinéma là , pour en faire avec le temps des chefs d’œuvres qui vont au-delà des apparences.
Talal : C’est un réalisateur qui aujourd’hui a plusieurs étapes dans sa carrière, qui prend encore des risques et qui se remet encore en question.
On sent que l’évènement du 11 septembre l’a marqué et d’ailleurs tous les films qu’il a fait ensuite sont beaucoup moins positifs, peut être aussi avec l’à�ge et l’expérience de la vie, mais même si il y a toujours une forme d’optimisme, c'est moins idyllique. Minority report ou Munich en sont de parfaits exemples. Et pour Munich, qui est un film qui a été un peu boudé et qui n’est pas arrivé au bon moment, ça reste pour moi l’une de ses meilleures œuvres.
Il n’y a que ce réalisateur qui peut faire aujourd’hui ce qu’il fait là . C’est un homme qui a vraiment changé le cinéma, qui a crée ce qu’on appel le cinéma pop corn et tout à commencé avec « Les dents de la mer ». Un cinéma populaire et très intelligent.
Leslie :
J’ai retrouvez un certain nombre de codes propres à la littérature fantastique dans « Mirages » et jusqu’au la fin du film, on garde vraiment un doute ( est ce que tout cela c’est vraiment passé?), quels sont vos points de vues sur la question ?
Talal et Karim :
Talal : Pour Mirages il y a plusieurs interprétations, c’est ouvert, je pense que chacun y verra une fin.
Karim : Pour moi il n’y a pas de doute par exemple, à la fin du film, le rà�le principal Saà�d interprété par Aà�ssam Bouali meurt et juste avant de mourir, il a un flash de la vie qu'il aurait eu si il avait réussi à survivre. Puis quand il part en marchant à la fin, c'est pour moi une image de son à�me qui s'envole.
Talal : Pour info, on a dit qu’on allait rajouter une toupie qui tourne comme image finale, un clin d’œil au film « Inception ».
Leslie :
Talal, Qu’est ce qui vous fascine le plus dans la nature humaine ?
Talal et Karim :
Talal: L’homme est fascinant parce qu’il est ambivalent, il n’est jamais ou tout noir ou tout blanc et je pense que dans le cinéma d’aujourd’hui et même dans les séries américaines, c’est une notion de plus en plus présente.
Un héros aujourd’hui n’est plus obligatoirement comme on l’entendait à une certaine époque, c’est aussi un homme qui va être amené à faire des choix qui ne sont pas forcément moraux et qui parfois sont uniquement dans son propre intérêt. Le spectateur adhère plus facilement à ce type de personnage, la société est de plus en plus dur c’est peut être aussi pour cela, on se reconnait mieux en eux.
Quand on voit des séries comme « Dexter », c’est quand même l’histoire d’un serial killer et pourtant on s’attache à lui. C’est ce que j’essaye de donner à mes personnages, qu’ils ne soient pas monochrome et qu’on puisse les mettre en pression pour que le spectateur se demande « Mais pourquoi il fait ça ? ».
Karim : La vie quotidienne ressemble aussi à cela, les faits divers relatent souvent des actes commis par des personnes bien, ayant un métier et une situation familiale et qui du jour au lendemain vont basculer et commettre des actes irréparables sans que l’on comprenne vraiment pourquoi.
Leslie :
Karim, dans « Tentation », « Killing me sofly », « 37 Kilomètres celsius », « Djinns », « Tango » et « Mirages », tous ces films très différents dans lesquels vous avez joué ont comme point commun la notion de destin, de choix, oà� tout bascule, c’est quelque chose qui vous fascine ?
Talal et Karim :
Talal : C’est l’histoire de sa vie ! (lol)
Karim : J’ai toujours vécu ainsi, j’ai fait plusieurs métiers, j’ai fait tous les départements dans des banlieues et à chaque fois qu’on me proposait quelque chose, j’étais prêt à tout abandonner et tout recommencer à zéro.
C’est ce qui m’est arrivé avec le cinéma, j’ai abandonné tout ce qui était argent et image pour vivre proprement, j’ai vécu avec le RMI pendant 5ans, j’ai tenu et je sais maintenant que si un jour je suis payé un millions d’euros par film, cela ne pourra pas me déstabiliser, ça sera le cadeau pour ma femme et mes enfants.
Le cinéma c’est magique, en plus on me donne souvent que des rà�les de bad boy, je peux donc me là�cher, évacuer les tensions et les évènements marquant qu’on peut avoir dans la vie, sans conséquences. C’est un bon exutoire et ça sert les personnages que je joue en plus.
C’est important de toujours travailler même sur des petites choses, plus on tourne, plus on est bon, je pars de ce principe. En revanche la figuration ça fait trop mal, c’est trop dur de ne pas pouvoir intervenir.
Leslie :
Tallal, dans votre court-métrage «Sinistra» et le long métrage «Mirages» vos situations de départ sont toujours très réalistes, pourquoi ce choix comme paysages fantastiques ?
Talal et Karim :
Talal: On adhère plus facilement au fantastique à partir du moment oà� l’on a une base de réalisme, je ne sais pas si il faut croire au surnaturel (lol) mais en tout cas je pense que l’on peut faire passer plus facilement des messages. L’identification se fait plus aisément quand on part dans un premier temps sur une base réelle.
Et puis dans l’idéologie, c’est aussi montrer que des choses magiques arrivent dans le quotidien, pouvoir se dire « Tiens ! Il m’est arrivé un truc magique aujourd’hui ! », on a pas besoin d’aller très loin pour trouver du surnaturel.
Leslie :
Karim, Ce n’est pas la première fois que vous jouez avec Meryam Raoui et Omar Lotfi, vous êtes entre autres à leurs cotés dans « 37 Kilomètres Celcius », comment vous êtes vous connus tous les trois ?
Talal et Karim :
Karim: J’ai rencontré Omar Lotfi en 2007 au festival de Marrakech, dès que j’ai vu quelques images, je lui ai dit qu’il irait loin. Six mois après, on a fait un premier film tous les deux, une série « Zoro » et Djinns dont on n’a pas assez entendu parler et qui est un film rare pour des réalisateurs français.
Meryam Raoui, j’ai eu mon plus beau baiser de cinéma avec elle; dans le désert, sous une pluie artificiel mélangée au gasoil pour faire briller à l'image ! (rire)
Après tous les trois dans nos projets respectifs, si il y a une place, on s’en parle. Omar c’est comme mon petit frère, on n’est pas en concurrence du tout et on essaye d’être solidaire. Du coup quand on a l’occasion de pouvoir se réunir tous les trois sur un film comme « Mirages » on y va tous sans se faire prier, c’est toujours un plaisir de se retrouver, on se connait bien, on n’a pas besoin de parler, on peut anticiper le jeu de l'autre en un regard. C’est un bonheur !
Leslie :
Pour satisfaire notre curiosité pouvez-vous nous dire sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Talal et Karim :
Talal : Une petite exclusivité qui n'a pas encore été dites (lol), l'année prochaine devrait sortir le film « Oasis » avec entre autres Karim comme acteur. Et puis pour le reste le mouvement autour de "Mirages" à ce festival de Marrakech débloquera surement des choses, on l'espère en tout cas.
Karim : En février sera diffusé sur Tf1 « L’affaire étrangère », une histoire poignante oà� je joue un père qui part à la recherche de son fils enlevé. Pour le reste plusieurs projets sont encore en pour parler, je préfère pas dévoiler tant que ce n'est pas sà»r.
Leslie :
Avant de se quitter dites moi, qu’allez vous faire pendant les derniers jours du festival ?
Talal et Karim :
Talal : Je vais essayer de voir des films et de profiter un peu de la ville, je repars dimanche.
Karim : Je vais aussi aller voir quelques films et comme je reste un peu plus longtemps, j’aimerai bien me prendre du temps et me balader un peu dans la région.