Casablanca s'émeut, s'agite, se mobilise et s'inquiète. Mais pourquoi donc ?

Casablanca est une ville économique, sérieuse, moderniste…Silence, on travaille nous ! Donc les rues sont peuplées de golden boys and girls pressés, ils sont très politiquement corrects et très policés. Ils fréquentent les estaminets branchés et parlent argent avec concentration et culture avec un rien de dédain. J'exagère un peu, c'est certain, mais si peu. Dans cet environnement bien rangé, ces avenues et ces immeubles bon genre, une catégorie de la population ne joue pas le jeu. Les terribles, les néfastes, les affreux marchands ambulants gâchent ce beau décor par une présence bruyante, un comportement volubile et bon enfant et une totale absence de discipline. Depuis un moment déjà, la guerre est déclarée entre ces deux mondes qui ne peuvent coexister sur le même trottoir.

Après avoir entendu un homme politique (important, l'homme politique) déclarer que les ânes font vraiment mauvais genre pour l'image du Maroc et qu'il est parfaitement inadmissible d'en rencontrer dans les rues, cela concernait Rabat, je crois, il est évident que les marchands ambulants, qui ont d'ailleurs souvent des ânes comme véhicules, ne peuvent être en odeur de sainteté dans le contexte.

Et pourtant, n'en déplaise à certains, les marchands ambulants, les ânes, les porteurs d'eau ou les conteurs sont le patrimoine intangible du pays. Patrimoine défendu avec constance par son Roi qui, tout azimuts, faisant feu de tout bois, préserve aussi comme il peut, la biodiversité, l'écosystème, les énergies renouvelables et j'en passe. Le Maroc émerge doucement, se hisse tranquillement vers des horizons économiques prometteurs, mais il est bon qu'il le fasse à sa manière. Les marchands ambulants existent depuis la nuit des temps, peut-être juste parce que dans les villages isolés, les montagnes arides ou les déserts de pierre, le tramway n'accède pas !!!
Lorsque le Morocco Mall, énorme temple de la consommation et du luxe, a vu le jour, je ne pense pas que les marchands ambulants, aient été consultés, les petits commerçants de quartier non plus d'ailleurs. Ce Maroc que les touristes aiment, que les trekkeurs fréquentent pour ses paysages, pour ses populations mystérieuses ou pour ses espaces encore vierges, ce Maroc là existe, il est même un important apporteur d'affaires.

Et qui dit affaires, dit argent, donc la boucle est bouclée, nos chers golden boys and girls devraient se réjouir. Lorsqu'ils vendent des appartements ou des villas, lorsqu'ils référencent des sites web, lorsqu'ils vendent des 4X4, ils ne pensent tout de même pas qu'ils génèrent eux-mêmes ce profit ! Ils sont en bout de chaine, ils sont un peu les parasites qui s'invitent à une fête sans apporter de gâteaux !