Maroc Eco
Le tri sélectif : une économie au Maroc
Nos populations occidentales se sont lentement habituées à trier et à recycler les tonnes de produits de rebuts que génère un certain consumérisme débridé.
Il a fallu du temps et beaucoup d’énergie publicitaire pour que, particulièrement en France, la notion de recyclage et par extension de protection de l’environnement fasse son chemin.
Au Maroc, comme dans beaucoup de pays émergeants, le recyclage est une nécessité économique, une source de revenu pour les plus démunis. Dès quatre heure du matin dans les ruelles de la médina de Marrakech, l’activité est intense. Dans la journée le spectacle est celui d’un grand marché bouillonnant où l’on s’interpelle où l’on s’agite avec bonhomie, où la plaisanterie et le rire fusent. Le petit peuple qui officie aux heures incertaines de l’aube est plus discret, plus affairé, concentré sur son objectif du jour.
Il y a l’homme de la campagne avec petite charrette et âne qui ramasse tous ce qui est végétal. Les restaurants et les riads sont nombreux à préparer le soir un sac de fanes et de pelures d’oranges, placés en évidence au coin de la ruelle. A usage de compost, cette manne permet un meilleur rendement du petit lopin qui produira les herbes odorantes, les radis grassouillets et les petites betteraves sucrées à souhait.
Armé de son seul courage pour marcher des heures dans la médina, cet autre s’est spécialisé dans les bouteilles plastiques qui seront revendues à un intermédiaire qui les vendra lui-même à une société de recyclage.
Le carton est très recherché, comme le papier, il existe donc des spécialistes en la matière qui écument leur secteur chaque jour. La charrette à bras est l’idéale pour passer partout et n’oublier aucun recoin.
L’organisation semble parfaite. Chacun dispose d’un secteur et rare sont les contestations territoriales. L’ambiance est presque feutrée, l’éboueur et le chineur échangent autour d’un bol de soupe en compagnie des gardiens de rue. Se balader dans la médina entre cinq et sept heure c’est un voyage étrange. On ne reconnaît plus les ruelles, elles sont vides du grouillement de la journée, peuplées d’hommes et de femmes silencieux, de chats qui se montrent, de chiens errants que l’on surprend à jouer.
Dans la journée que ce soit en médina ou dans la ville nouvelle, une autre forme de récupération, ferronnerie, baignoire, lavabo, moteur et j’en passe finissent dans la charrette d’un « brocanteur » d’un autre temps.
Et l’on retrouve, dans certains quartiers d’artisans, le vieux moteur rajeuni et prêt à l’emploi, le carton devenu gaufré et abat jour, le pneu usé transformé en miroir ou en petit objet décoratif. Les artisans du Maroc sont non seulement doués mais ils sont imaginatifs et ils savent détourner la matière pour créer l’improbable.