Essaouira la sardine et le saumon

Cela ressemble au titre d'un conte pour enfant. On s'attend aux aventures pittoresques d'une sardine qui voulait être un saumon dans le port d'Essaouira. C'est un peu ça. Plantons le décor. Essaouira, une petite cité qui éclate de blanc et de bleu, sous un ciel changeant, à la luminosité profonde, sa médina où l'on se sent chez soi, ses riads qui, depuis leurs terrasses, embrassent l'horizon tumultueux de l'océan, protégés par les canons antiques de la Skala.  Des petits cafés où l'on rencontre des artistes étranges et décalés, des restaurants qui se transforment en forum littéraire ou musical, un lieu où Mozart et les Gnaouas font bon ménage, parce que les alizées, c'est déjà de la musique.

Donc nous voilà en terrain de convivialité et humeur légère, mais la sardine et le saumon ? Point commun, ce sont des poissons. Différences, la taille et l'odeur. La sardine souffre d'une image par trop « odorante ». Ce poisson est certainement très joli à voir lorsqu'il frai en eaux salée, mais à la cuisson il a tendance a choqué nos narines occidentales délicates, plus habituées à l'absence de goût et d'odeur de la modernité qu'à la forte évidence naturelle. La sardine est petite, enfin ça dépend, ma tante qui est de Marseille, a raconté à ma mère, qui me la répété, que là-bas les sardines bouchent le port, à vérifier !

Le saumon est sportif, il remonte quant même les rivières d'eau douce avec énergie pour aller pondre dans l'océan et mourir, pour laisser la place à la génération suivante, il est grassouillet mais sans excès et d'une couleur rosée qui enchante avant même d'y goûter. Il est beaucoup plus grand que notre sardine pauvrette et son image est celle de l'élégance raffinée, à consommer de manière affectée, comme il sied. On le voit nous sommes loin de la simple petite sardine qui vit sa vie de sardine.

Et c'est maintenant que la sardine devient l'égale du saumon. La fumaison (fumaison pas fumerie, les beatniks d'Essaouira n'étaient pas fumés, ils fumaient…) permet à ces deux poissons antinomiques de devenir frères. Où cela, mais dans nos assiettes bien sûr !

Quant je pense à tous ceux qui se plaignent de ne pas trouver,  à Marrakech ou ailleurs au Maroc,  de quoi satisfaire leurs besoins gustatifs. La fumaison d'Essaouira règle ce problème. Non seulement, ils fument le saumon et avec une grande compétence mais en plus ils fument aussi la sardine. Et la sardine fumée c'est un délice.

Une assiette de petites pommes de terre, cuitent à point, encore tièdes et notre sardine fumée, ça change la vie, ça réconcilie avec soi-même et si le lendemain l'assiette en question est pourvue de tranches de saumon fumé, délicatement relevé par un filet de citron et adouci par une once de crème fraîche, ça devient le nirvana ! On le voit,  la démocratie peut se nicher un peu partout,  jusqu'à offrir,  même aux poissons,  une égalité, posthume soit mais égalité tout de même !
Pour les détails pratiques :

http://www.pandore-maroc.net/fumaisons/index.html