Marrakech ou comment soigner sa « schizophrénie sociétale »

Ce n'est pas un gros mot, que l'on se rassure, « schizophrénie sociétale » veut juste dire que l'on ne sait plus, mais plus du tout, ce que l'on doit faire ou dire pour accéder au bien être individuel tout en restant dans le coup. L'expression est un peu ardue, parait même un tantinet prétentieuse,  mais en France on aime les mots et c'est mon psy qui l'a dit, alors…

Voilà la situation, j'ai arrêté de fumer enfin je fume les « électroniques », j'ai supprimé le beurre enfin le « vrai », j'ai oublié le goût du sucre et j'ai même fini par penser que l'aspartame est du sucre et j'ai trouvé du sel avec 30% de sel en moins (bizarre ça, qui a-t-il à la place des 30% ?) Tout ça pour être en bonne santé, enfin c'est les médias qui le disent, non pas les médias, les holdings planétaires qui font de la publicité dans les médias. J'allais oublier, je fais du jogging tous les soirs sur les Maréchaux, entre la porte de Saint Ouen et la Cité des Sciences.

Mais cela ne va pas du tout, je ne me sens pas mieux, mon médecin généraliste a augmenté ma dose de pilules étranges, mon psy veut me voir plus souvent et j'ai faim tout le temps. En buvant mon soda allégé à la cafétéria du bureau, je croise un collègue hilare et pétant de santé qui me dit « mon vieux à voir ta tête tu as besoin d'une cure, va à Marrakech tu verras ça change tout »

Je suis parti sans trop y croire. Mais j'ai fait tout ce qu'il m'a dit. Hébergement, un riad dans la médina, relaxant, charmant et convivial. Une fois par jour, massage énergétique dans un Spa à la douceur odorante. Tous les jours réconciliation avec mon estomac, circuit découverte culinaire dans les ruelles de la vieille ville (petits gâteaux au coco vendus au coin des rues, un délice, crêpes croustillantes nappées de miel doré, petits pains ronds chauds trempés dans une huile d'olive goûtue, tomates avec un goût de tomate…et thé à la menthe avec de la vraie menthe !) Petit saut de puce à Essaouira, on respire l'air iodé et on se perd dans le bouillonnement du Festival Gnaoua et on mange du poisson et des frites avec les doigts,  sans aucune culpabilité.

Je me souviendrais longtemps de mon escapade à Marrakech. J'ai recommandé à mon psy de faire le voyage, j'ai offert à mon médecin généraliste un bouquet d'herbes aromatiques et médicinales et j'ai dans mon frigo du vrai beurre, de la vraie crème et du vrai lait que je consomme avec du vrai sucre. J'ai aussi arrêté « l'électronique » (je préfère encore une vraie de temps en temps).
J'y retourne bientôt, pour Mawazine 2014 à Rabat, c'est une excuse je n'aime que la musique classique !