La Medina de Marrakech attention dérive possible

Pourquoi vient-on si nombreux à Marrakech ? Pourquoi le rêve se déclenche t-il à la simple évocation du nom de cette cité ? Parce que Marrakech est et doit rester mythique. Les Almoravides la firent sortir de terre, là où il n'y avait absolument rien. Elle fut,  pendant très longtemps, le joyau culturel, économique et politique d'un vaste territoire musulman et elle reste aujourd'hui un site incontournable. L'UNESCO, dont le sérieux des critères de sélection ne peut être mis en doute, ne s'y est pas trompé. La Medina flanquée de sa place Jamaa El Fna est protégée et appartient aujourd'hui au patrimoine de l'humanité.

Dans les années 80, un engouement spectaculaire se fit jour et la médina devint l'endroit avec un E majuscule où il fallait avoir son riad, sa résidence secondaire de l'exotisme. Du coup, effet positif, l'habitat traditionnel qui avait tendance à se déliter, se fit un coup de jeune. Oui, mais…Comme en toute chose, il faut raison garder et que ce n'est pas une qualité première chez « l'homo occidentalus »…
Que voit-on aujourd'hui ? Rien de bien grave, juste des petits détails qui, mis bout à bout, pourraient dévoyer un héritage historique et transformer la médina en fiasco, façon le quartier « des Halles » à Paris. J'exagère, mais pas trop. Certaine ruelles, voir même des quartiers entiers sont devenus des annexes de l'Europe. On range, on aligne, on épure, et il s'est même vu des tentatives indignes de fermer une rue aux « marocains » pas assez « bon genre » pour la fréquenter !
Mais il y a certainement un quiproquo d'origine. La medina et ses souks existent pour répondre à un besoin de la population et non le contraire. Nos « centres commerciaux »  sont nés, eux, pour créer le besoin. Les artisans, regroupés par guilde, les fondouks, lieux de passage des hommes et des bêtes, venus apporter leur marchandise, les mosquées et les palais, les écoles coraniques et j'en passe étaient et sont des nécessités du quotidien.
Que les artisans s'adaptent et proposent des articles de qualité qui répondent à la modernité, vaisselle émaillée aux formes géométriques, vanneries originales, poteries qui prennent des couleurs ou caftans qui peuvent se porter partout, c'est normal et c'est très bien. Mais que, discrètement, certaines boutiques s'installent et proposent des « fringues » estampillés créateurs, pure produits venus d'un autre monde, qu'en lieu et place des échoppes de brocanteurs, où l'on trouvait des trésors, fleurissent les faux masques africains et autres figurines mécanisées,  la dérive n'est pas loin. Bientôt une enseigne de fast-food, un géant de la décoration « industriel » ou une chaine de lainage très « coloré » !