Insolites
La rose, romantisme, économie et tradition
La rose, fleur peut-être la plus chargée d'émotion, de tendresse et d'amour, exaltée pour sa beauté par les poètes depuis toujours, est une des richesses de la vallée qui porte son nom. Le sud marocain a accueilli, probablement avant la conquête arabe, cette plante subtile qui trouve ses origines du côté de Damas.
La rose nous offre sa splendeur altière, elle ravit l'œil par sa couleur parfaite et la douceur de soie de ses pétales. Mais elle est encore plus généreuse qu'il n'y parait. La production et l'exploitation de cette manne à la fragile beauté permet à toute une région, Kelaat M'gouna, une activité économique rémunératrice.
Ce ne sont pas moins de 3500 à 5000 tonnes récoltées par an, à la main. Le soleil et la nécessité de batailler avec une fleur, dont les épines blessent durement les mains et les bras des hommes et des femmes qui s'emploient à la récolte dès le lever du soleil d'avril à juin, rendent encore plus précieuse cette matière première odorante.
Près de 40% de la récolte est acheminée vers les distilleries de la région qui vont en extraire l'essence et la concrète indispensable aux plus grands parfumeurs. Les résidus de production servent à la fabrication de l'eau de rose et des produits dérivés cosmétiques ou de l'art de vivre.
La vallée des roses, un simple nom qui entraine déjà au voyage, est aussi le lieu magique qui, chaque année, accueille moussem et fêtes villageoises pour célébrer la rose bien sûr, mais aussi le labeur difficile dont on est fier. Ici, en signe de bienvenue, les visiteurs se voient aspergés de cette eau de rose à la délicate fragrance, faite de légèreté et de force, véritable rite de passage du monde profane au monde des initiés, passeport pour la tradition et les rites ancestraux qui pendant toute une saison animent la région.
Les costumes traditionnels, les danses, les chants et le brouhaha des retrouvailles familiales flottent sur les senteurs qui imprègnent le moindre recoin. Le Maroc de la tradition oublie alors les données économiques pour se livrer à la joie, à la poésie et à la convivialité. La plus grande fête de cette époque se tient au mois de mai à Kelaat M'gouna, dans des jardins exubérants de roses, non encore prêtes à la récolte mais toute à leur beauté éphémère.
Sous une pluie de pétales, une jeune fille sera élue reine d'un jour, pour sa fraicheur et son sourire, si proche de la perfection de la rose. Les danses traditionnelles et les chants résonneront jusqu'aux étoiles. La danse du sabre, la danse de l'abeille et l'Ahidouss se succèdent, dans un paysage onirique où des milliers de pétales de roses jonchent le sol et s'envolent comme portés par des vagues invisibles.