Insolites
La couleur de Marrakech
En prononçant le nom de cette ville, Marrakech, la magie opère déjà. Autre lieu, autre culture, orient du mystère qui se dévoile peu à peu, brouhaha d'une foule bigarrée et taquine, bref les images véhiculées avec passion et qui viennent à l'esprit immédiatement.
Mais Marrakech c'est en premier lieu une couleur ou plutôt une carnation particulière, une palette harmonieuse qui définie la cité, lui donne une silhouette, une tonalité unique.
On le sait, la culture orientale aime à s'entourer de jardins et de fleurs, de fontaines de vie et d'oiseaux gracieux. Mais avant même toutes ces évidences tangibles, il y a une abstraction qui imprime la rétine, souvent de manière inconsciente, un sentiment coloré et chaud, mais qui n'est ni compris ni analysé. Il y a pourtant un bonheur ineffable à pratiquer un arrêt sur image.
Marchons dans les pas du voyageur qui, peut-être pour la première fois, foule le sol de la ville rouge. Un hublot, comme une lucarne étroite, en descente vers le tarmac, première couleur. Les montagnes aux aspérités franches, coiffées d'un blanc étincelant, habillées d'une vapeur bleutée, instable et aérienne.
L'œil se perd un instant et se focalise à nouveau, en premier plan les palmiers élancés qui provoque le ciel. Cette couleur là est celle du contraste qui est partout, toujours. Le froid et le chaud, la franche magnificence et la demi-teinte fragile. Et bien sûr, ce ciel azuréen qui est la toile de fond quasi perpétuelle, le décor où se joue la pièce, un refuge qui apaise les yeux lorsque la palette est trop forte. Il oublie, notre voyageur pendant les longues minutes du passage de la frontière, la première émotion. Mais au premier soir, sur une terrasse, un ciel de combat titanesque entre la terre, le soleil et la lune.
La tonalité est dans la force, les couleurs éclatent en se révélant et soudain les palmiers s'embrasent, les dattes deviennent des gemmes d'or, la montagne s'éclaire et semble se rapprocher. Cette émotion là est d'autant plus forte que l'accueil fut chaleureux et discret, que les tapis et les tissus rassurent et réchauffent.
Mais notre ami voyageur part en promenade, de bon matin, voit-il les bougainvilliers exubérants qui côtoient et s'imbrique dans les hibiscus. Le mauve sombre et éclatant, le blanc neigeux et le rouge profond comme un sang neuf. Les jacarandas, ni bleus ni violine, les jasmins délicats. Tout cela exulte dans son écrin vert, non pas vert sombre, ni vert pomme, un vert unique, primordial, crée pour Marrakech.
Cette débauche de couleurs est comme la ville, ses remparts, ses habitants, elle est forte et réelle. Elle exprime la beauté et la douceur, mais avec une personnalité trempée. Nulle mièvrerie, nulle vision sirupeuse qui s'échappe avant de la saisir. Les hommes et les femmes sont à l'identique, ils existent, ils ont leur caractère et notre voyageur se doit de les voir, de les comprendre comme il aura compris la couleur de Marrakech.