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Eloge de la lenteur au salon du livre et arts de Tanger
Du 8 au 12 mai prochain, Tanger vivra une expérience étrange. Le salon international du livre et des arts mettra la lenteur en exergue. Les tables rondes et les joutes oratoires qui se dérouleront pendant ces quelques jours mettront l’homme face à ses distorsions temporelles.
La lenteur est un vocable presque péjoratif dans la langue stéréotypée planétaire, seule la vitesse semble avoir un mérite, une réalité. Pour lui rendre ses lettres de noblesses, il fallait que, de part et d’autre de la méditerranée, des hommes et des femmes, créateurs et penseurs de notre temps, s’allient pour exprimer toute la riche humanité que contient ce mot. Que peut être cette lenteur dont on veut nous instruire ?
Celle de nos anciens qui vivaient au rythme de la terre nourricière qui donne du temps au temps. Celle de ces justes qui vivent dans le sacré donc hors du temps. Celle des écrivains dont le tempo est le mot. Celle des compositeurs de musique qui vivent le temps sur la partition… Tout cela en même temps et plus immédiatement, la lenteur biologique du corps humain qui nait, croisse et meurt au rythme de ses cellules.
L’efficacité, la rentabilité, la réduction des distances ont certainement leur source dans cette expression terrible, servie à l’envie : le temps c’est de l’argent. Nous aurions abandonné la lenteur ontologique pour la vitesse économique. Constat alarmant de perte d’identité, en gagnant la conscience d’exister nous avons perdu la conscience de notre humanité.
Au fil du livre, mais aussi du théâtre, du cinéma et des arts plastiques les intervenants aborderont le concept de la lenteur et de son antithèse, dans la politique, l’école, les médias ou le simple quotidien. Comment imaginer l’apprentissage aux enfants que ce soit à l’école ou dans le milieu familial. A quel rythme devons nous les faire vivre ? Nous qui courons dès le matin, jetons littéralement les enfants devant l’école, pour le soir venu faire du repas une course contre la montre. La vitesse est aussi la sœur jumelle de la consommation effrénée. L’information doit être courte, rapide sans développés analytiques.
Les biens dits de consommation sont aussi bien un yaourt enrichi à une chose ou une autre, que l’on va détester en quelques jours parce que le packaging ne plait plus, qu’une chanson formatée qui disparaitra des mémoires en une semaine ou un livre très tendance à consommer uniquement sur la plage !
La lenteur est un piège, celui de la réflexion, de l’arrêt sur image révélateur, de l’analyse tranquille. C’est surtout un terrible frein à la course perpétuelle que l’on impose pour des raisons politiques, économique et quelque fois théologiques. Offrons nous la lenteur, un cadeau bénéfique, une autre vision de notre présent et de notre avenir.